Prescription médicamenteuse par téléphone

GENERALITES
23/12/2019
Document

La prescription médicamenteuse par téléphone dans le cadre de la régulation médicale est une prescription à distance, dans les suites d’un conseil médical qui peut aboutir à  un conseil thérapeutique. Ce dernier peut prendre la forme d’une prescription médicamenteuse si le médecin régulateur juge que l’examen physique du patient peut être différé et n’est pas indispensable à la prescription d’un médicament. Les recommandations concernant une prescription médicamenteuse par téléphone sont justifiées par l’implication de plus en plus importante des centres de régulation médicale dans la permanence de soins. Des recommandations concernant les bonnes pratiques en matière de prescription médicamenteuse par téléphone (ou téléprescription) dans le cadre de la régulation médicale, ont été rédigées par la Haute Autorité de Santé. Elles ont pour objectif, entre autres, de garantir l’homogénéité de cette pratique et la qualité de la réponse apportée aux patients.

 

Situations pouvant aboutir à une prescription médicamenteuse par téléphone dans le cadre de la régulation médicale :

Certaines spécificités de la régulation médicale doivent être prises en compte : le médecin ne connaît pas le patient, l’appelant peut ne pas être le patient, et il est impossible pour le médecin prescripteur de procéder à un examen physique.  Dans ce cadre l’existence ou non d’un examen physique préalable par un médecin dans les jours précédents pour les mêmes symptômes doit être prise en compte. Les situations pouvant aboutir à une prescription par téléphone sont :

-       la rédaction et la transmission à distance d’une ordonnance écrite,

-       la prescription d’un médicament présent dans la pharmacie familiale,

-       l’adaptation d’un traitement lorsque le médecin traitant n’est pas joignable.

Sont exclues :

-       les prescriptions en dehors de la régulation médicale,

-       la prescription par téléphone par un médecin traitant pour ses propres patients,

-       les situations extrêmes pour lesquelles une intervention physique auprès d’un patient est impossible compte tenu de l’isolement où se trouve le patient (refuges de haute montagne…),

-       les conseils thérapeutiques dans l’attente de l’arrivée d’un SMUR.

 

Les étapes avant la prescription :

Une prescription par téléphone nécessite les conditions suivantes :

-        le médecin régulateur s’est identifié auprès du patient,

-        le patient accepte une prescription médicamenteuse par téléphone et a bien compris les détails de l’ordonnance ou de la prescription,

-        le patient est informé, qu’en cas de persistance des symptômes, de leur aggravation ou d’apparition de nouveaux symptômes, la situation doit être réévaluée par un rappel au médecin régulateur ou lors d’une consultation médicale,

-        une prescription pour une durée limitée et non renouvelable ; la limite de temps doit être fonction de l’analyse par le médecin régulateur de la situation clinique du patient et de son environnement ; cette durée doit être la plus courte possible et en aucun cas elle ne peut dépasser 72 heures,

-        la nécessité d’un retour auprès du médecin traitant dans les plus brefs délais.

 

L’information du patient et/ou de l’appelant est un élément essentiel de la prise en charge, d’autant plus que l’appelant n’est souvent pas le patient. L’appelant peut alors oublier de signaler certains signes, une autre pathologie, un autre traitement. Il peut se tromper sur le poids d’un enfant, ce qui peut entraîner des erreurs de posologie plus ou moins graves. Cette information comprend la vérification de la compréhension de l’appelant, les mesures non médicamenteuses pouvant être instaurées, les modalités de prise d’un médicament et ses éventuels effets secondaires. Le médecin régulateur doit s’assurer de la compréhension de l’appelant en s’appliquant à le faire reformuler la prescription. Cette information pourra être complétée par le pharmacien en cas de dispensation en officine. La responsabilité du médecin régulateur prescripteur est pleine et entière et tous les évènements ayant conduit  à la prescription ainsi que l’ordonnance éventuelle, doivent être mémorisés dans le dossier médical de régulation qui sera conservé, ainsi que dans le DMP lorsque cela sera possible.

 

Quels médicaments peuvent être prescrits dans le cadre de la régulation médicale ?

Lors d’une prescription par téléphone, les conseils hygiéno-diététiques doivent être privilégiés. La prescription médicamenteuse par téléphone, ne doit s’envisager qu’après une évaluation de la balance bénéfices/risques. L’utilisation de la pharmacie familiale doit être privilégiée. Mais la pharmacie familiale n’étant pas la pharmacie personnelle du patient, le médecin régulateur devra préciser à l’appelant de vérifier que les présentations disponibles dans cette pharmacie sont bien adaptées à l’âge du patient. La date et les conditions de péremption, en particulier pour les produits liquides reconstitués, doivent être vérifiées. Les médicaments à préconiser sont avant tout ceux dont l’administration temporaire présente le moins de risques pour le patient. Les listes I et II comprennent médicaments susceptibles de présenter directement ou indirectement un danger pour la santé. La liste I comprend les substances ou préparations et les médicaments et produits présentant les risques les plus élevés pour la santé. La rédaction d’une ordonnance est nécessaire pour leur délivrance par le pharmacien et pour le remboursement par la Sécurité Sociale, s’il y a lieu. En cas de rupture de traitement d’un médicament en liste II, le médecin régulateur peut conseiller à l’appelant de se rendre à la pharmacie de garde, muni de son ancienne ordonnance. Dans le respect des dispositions du Code de la Santé Publique, à titre exceptionnel et sous réserve d’en informer le médecin prescripteur, dans le cadre d’un traitement initialement prévu pour au moins 3 mois, le pharmacien peut dispenser les médicaments nécessaires à la poursuite du traitement, dans la limite d’une seule boîte par ligne d’ordonnance. Si la pharmacie de garde est différente de celle où il a l’habitude d’aller, le médecin régulateur rédige une nouvelle ordonnance limitée dans le temps. S’il ne s’agit pas d’une rupture de traitement, le médecin régulateur peut établir une ordonnance qui sera transmise au pharmacien de garde par courriel ou fax, de façon à ce que le pharmacien puisse authentifier et valider la prescription.

Il n’est pas possible de prescrire par téléphone des médicaments stupéfiants ou soumis à la réglementation sur les stupéfiants, car ces produits ne peuvent être prescrits que sur une ordonnance sécurisée et nécessitent une surveillance stricte et précise du patient lors de l’instauration du traitement. Dans le cadre des soins palliatifs, une adaptation du traitement ne peut être envisagée que si, dans le cadre de la continuité des soins, l’accès au dossier médical du patient est possible, et si une surveillance stricte du patient peut être assurée.

 

Modalités de la prescription médicamenteuse dans le cadre de la régulation médicale :

Les informations nécessaires au traitement de l’appel, mais non spécifiques à l’acte de prescription par téléphone, sont recueillies conformément aux bonnes pratiques de régulation. Une prescription par téléphone (téléprescription), ne peut être envisagée qu’après avoir recueilli les informations suivantes :

-        la confirmation du nom et prénom du patient et son lien avec l’appelant,

-        l’âge et le sexe du patient,

-        les antécédents d’allergie, grossesse, allaitement en cours,

-        les traitements en cours,

-        s’il y a eu une consultation médicale pour les symptômes motivant l’appel.

De plus, en cas de prescription accompagnée d’une ordonnance écrite :

-        le poids déclaré du patient,

-        les coordonnées du médecin traitant si possible,

-        le nom et l’adresse de la pharmacie qui aura été identifiée avec l’appelant (pharmacie de garde ou pharmacie choisie par le patient selon ses possibilités) et où le médecin régulateur adressera l’ordonnance.

La prescription effectuée par le médecin régulateur doit être matérialisée par un support écrit identifiable. Cette ordonnance porte la mention “ téléprescription ”. Elle devra être transmise à la pharmacie déterminée avec l’appelant, de préférence par courriel sécurisé et en cas d’impossibilité par télécopie. La prescription doit être lisible dans la fiche de régulation qui fait partie du dossier médical. Une ordonnance type devrait être accessible à tous les médecins régulateurs et indiquer : le nom et prénom du médecin prescripteur, son numéro RPPS (Répertoire Partagé de Professionnels de Santé), la date et l’heure de la rédaction de l’ordonnance, les nom, prénom, sexe, âge du patient (plus le poids pour les enfants), la dénomination du médicament ou du produit prescrit, sa posologie, son mode d’emploi. La durée de la prescription ne doit pas dépasser 72 heures. L’appelant est informé de l’établissement de cette ordonnance. Le médecin régulateur rappellera par ailleurs à l’appelant qu’il doit se munir de la carte vitale du patient avant de se rendre à la pharmacie. Lors des périodes de garde, il sera précisé à l’appelant qu’il lui appartient de prendre contact avec la pharmacie de garde avant de se déplacer, pour le prévenir de sa venue.

 

Modalités de prescription par téléphone lorsque le patient est un enfant :

Les appels pour un enfant constituent des motifs fréquents de régulation médicale. Selon les données de la littérature, ils représentent 20 à 25% des appels. Pour tout appel concernant un enfant, doivent figurer dans le dossier informatique et sur une éventuelle ordonnance : l’âge et le poids déclaré actuel de l’enfant. Le type de relation qui le lie à l’appelant doit être renseigné sur le dossier informatique. En cas de prescription utilisant la pharmacie familiale, le régulateur rappellera à l’appelant qu’il ne doit utiliser que des présentations pédiatriques, préférer les présentations unitaires, et ne se servir que des cuillères, pipettes, dosettes et seringues fournies par le fabricant avec le médicament et présentes dans l’emballage, afin le sous dosage et surtout le surdosage (ne pas utiliser par exemple une pipette pour ibuprofène pour administrer du paracétamol…). Lorsque cela est possible, il est préférable de conseiller un médicament déjà pris par l’enfant auparavant. Enfin, chez l’enfant de moins de 1 an, il faut privilégier l’examen médical. Chez l’enfant de moins de 3 mois, il faut s’abstenir de toute prescription médicamenteuse par téléphone.

 

Modalités de suivi :

Le suivi est nécessaire pour “ la sécurité de l’acte ” (prévention des risques) et pour la qualité de la régulation médicale en général. La transmission entre régulateurs successifs doit être formalisée. Toute prescription par téléphone ayant conduit ou pas à l’envoi d’une ordonnance, doit être mentionnée et identifiée comme telle dans le dossier de régulation médicale. Ce dossier doit être accessible à tous les médecins régulateurs qui seraient amenés à prendre le relais du médecin prescripteur. Le patient est informé de la nécessité de contacter le centre de régulation en cas de persistance ou aggravation des symptômes.

 

Modalités de formation et d’évaluation :

Dans le cadre de la formation complémentaire à la régulation médicale, destinée aux médecins régulateurs, un module spécifique à la prescription téléphonique doit être développé. Les données de fonctionnement et les dysfonctionnements doivent pouvoir être analysées au sein du CODAMU-PS-TS. Pour cela, il est nécessaire de mettre en place au niveau des centres de régulation des indicateurs permettant de suivre cette activité.

Bibliographie
  1. E. Menthonnex, F. Adnet, F. Loïzzo, M. Deletraz-Delporte, P. Menthonnex. Téléprescriptions. 1er congrès de la Société Française de Médecine d’Urgence. Paris. Juin 2007 (CD Rom)
  2. Haute Autorité de Santé : http://www.has-sante.fr/portail/jcms/j_5/accueil
  3. Code de la Santé Publique : art. L.5132-1, L5132-2, L.5132-6, traitant de l’inscription des médicaments sur des listes 1 et 2
  4. Code de la Santé Publique : art. L et R5125-23-1
  5. Décret 2004-1367 du 16/12/2004, relatif à la prescription et aux conditions de remboursement des médicaments et modifiant le Code de Sécurité Sociale et le Code de Santé Publique, art. R.163-2 et R163-20-4, in JORP n°294 du 18/12/2004
  6. Code santé publique : art. R.5132-3, 5132-5, 5132-6, R5132-22, relatifs aux conditions de prescription des médicaments
  7. Décret n°95-1000 du 06/09/1995, portant Code de Déontologie Médicale, articles 76 et 79 relatifs aux conditions de rédaction des ordonnances, attestations ou certificats
  8. Code de la Santé Publique : art R.4127-34, R4127-76, R4127-79 relatifs à la rédaction d’une ordonnance et à l’établissement d’une prescription
  9. E. Menthonnex, JM. Hartemann, FX. Koch, JP. Torres, F. Loïzzo, J. Godart, Ph. Menthonnex. Analyse de 15317 appels primaires pour un enfant de moins de 15 ans reçus au SAMU de Grenoble en 1995. Revue des SAMU, 1997 ; 1, 6-14